INTERVIEW DE MARK GATISS
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Entretien enregistré dans le cadre du Salon Comic Con Paris 2013, le 6 juillet 2013.
Vous avez écrit pour 3 Docteurs différents (Nine, Ten et Eleven), est-ce que votre manière d’écrire était différente pour chacun ?
Mon écriture est la même mais elle reste différente, le Docteur est essentiellement le même, sa personnalité peut changer mais pas ses convictions profondes, sauf si vous faites une histoire où il devient mauvais pendant la moitié d’un épisode par exemple. Il faut toujours être bien informé sur l’acteur qui le joue, je pense avoir écrit la première moitié de « The Unquiet Dead » sans savoir que le Docteur allait être interprété par Christopher Eccleston et j’ai écrit « Victory of the Dalek » sans savoir que ce serait Matt Smith. J’écris un épisode actuellement pour le nouveau Docteur…
C’est le même principe à chaque fois, comme une sorte de morphing, il suffit d’écrire le Docteur en suivant ce que j’ai en tête, ensuite le personnage sera adapté en fonction de l’acteur qui le joue. Quand Matt Smith a obtenu le rôle, j’ai regardé la série de la BBC « Party Animals » et Steven Moffat m’avait dit : « il joue là-dedans comme je veux que le personnage soit », j’ai juste pioché en grande partie dans son maniérisme et dans sa façon de parler.
Vous avez aussi écrit des romans, comme « The Last of the Garadene » avec le 3e Docteur, est-ce différent d’un scenario ?
Et j’en ai écrit un autre avec Patrick Troughton. Le travail est semblable, évidemment Jon Pertwee est mon Docteur donc j’étais bien versé dedans. Je tentais aussi d’avoir la voix du personnage dans ma tête lorsque que j’écrivais. La solution est de regarder en direct un épisode et de vous plonger dans la saveur de celui-ci.
Quel est le plus difficile : écrire pour un personnage qui existe déjà (comme le 3e Docteur) ou pour un personnage qui n’a pas encore d’incarnation physique (comme le 12e Docteur) ?
C’est un défi différent parce qu’en fait, quand vous écrivez pour un ancien Docteur, vous pouvez le faire rentrer dans un moule qui existe déjà mais qu’on ne voit plus à l’écran, c’est un style. Pour « The Last of the Garadene », j’ai essayé de faire en sorte que ce soit l’ultime aventure de Jon Pertwee donc il y a certaines choses qui doivent correspondre à ce qui existe déjà. Alors qu’avec un nouveau Docteur, il faut partir de rien et tout construire. Le personnage ne prend forme qu’une fois l’acteur choisi.
Comment voyez-vous le prochain Docteur ?
Je ne peux rien dire, désolé…
Si vous deviez choisir quelqu’un ?
Je ne peux pas répondre à cette question non plus, quoi que je dise ça sera critiqué. Si je dis que j’aimerais bien X dans le rôle, c’est considéré comme une préférence… X est le Docteur, cela dit j’aime beaucoup la lettre X !
Vous êtes scénariste, écrivain, acteur et producteur, que préférez-vous dans chacun de ces emplois ?
L’argent et la nourriture (rire)… J’ai toujours voulu écrire et jouer, donc je suis très chanceux d’être capable de faire les deux. Lorsque tout s’équilibre bien c’est idéal, je peux écrire pendant 3 mois, et ensuite avoir un rôle quelque part, en particulier au théâtre. C’est très libérateur parce que l’écriture est une activité solitaire et jouer au théâtre vous permet de rencontrer du monde, j’aime beaucoup cela. Parfois, cet équilibre flanche et je suis coincé derrière un bureau pour un an et demi par exemple, mais généralement ça fonctionne très bien.
Concernant la production, j’aime être en charge de tout, c’est très excitant. « Sherlock » est particulier, pour Steven Moffat et moi c’est comme un « enfant illégitime », nous avons toujours aimé Sherlock Holmes et il vient juste d’être traduit de manière phénoménale ; l’affection que les gens ont pour cette série, ça nous a pris tous les deux pris par surprise. La raison pour laquelle le public l’aime c’est parce que nous l’aimons avant tout. Il n’y a rien de cynique à ce sujet, nous n’avons pas simplement mis à jour un roman, nous adorons Conan Doyle, ses histoires et ses personnages sont si géniaux que nous souhaitions les présenter d’un autre point de vue, s’il y avait quelque chose cynique, je pense que les gens pourraient le sentir…
Et en tant qu’acteur ?
Ce que je préfère ? Oh me déguiser ! N’importe quoi avec des fausses dents ou des prothèses.
C’est pour ça que tous vos personnages dans « Doctor Who » sont toujours masqués ?
C’est juste une coïncidence, pour tous ceux qui aiment jouer je pense que c’est le plus marrant, se déguiser et changer de tête… La plupart de mes personnages dans « The League of Gentlemen » sont assez grotesques, c’est ça qui est drôle à faire. J’adore aussi jouer Mycroft, c’est agréable d’interpréter quelqu’un que tout le monde pense être le Responsable, c’est comme être Premier Ministre sans avoir à être vrai. J’ai joué Charles 1er l’année dernière dans une pièce, j’ai toujours voulu jouer ce rôle et j’ai beaucoup apprécié me prendre pour un Roi.
Jouerez-vous dans la saison 8 de « Doctor Who » ?
Ce n’est pas au programme j’en ai peur…
Est-ce qu’écrire pour « Doctor Who » était un rêve d’enfance ?
Oui tout à fait, je n’ai jamais pensé que cela arriverait un jour parce qu’au moment où j’étais proche de faire carrière, la série a arrêté d’être diffusée. Je n’imaginais vraiment pas qu’elle allait revenir. Cela me rendait triste parce que je voulais qu’elle revienne à l’antenne non pas parce que c’était dans son intérêt, mais parce que c’était vraiment une excellente série.
Il y a 20 ans, je me souviens, il y a eu un documentaire pour le 30e anniversaire de « Doctor Who » et des Daleks se sont déplacés à proximité du Parlement sur le pont de Westminster. J’étais dans l’un des Dalek et c’est très difficile à conduire comme les gens peuvent vous le dire… Nous poursuivions des enfants sur le pont, c’était fantastique ! Certains criaient de plaisir. Je regardais à travers la grille et j’ai vu un petit garçon attraper la manche de sa mère et demander « qu’est-ce que c’est ? », là je me suis dit « oh non c’est la fin »… Aujourd’hui, je suis là donc oui c’était un rêve absolu.
Quels étaient vos plus grands défis pour « An Adventure in Space and Time » ?
Le principal est qu’il y avait tellement d’histoires à raconter, si vous connaissez bien « Doctor Who » vous les connaissez sûrement. Je voulais me concentrer principalement sur quatre personnages et les rendre accessibles au public qui ne les connaît pas forcément. Le plus important est que ce n’est pas un documentaire, c’est un drama sur la création d’une série et plus précisément sur William Hartnell. Je savais qu’il y avait beaucoup de choses qu’il allait être très difficile à laisser de côté et ce fut le cas, mais il fallait choisir sinon le film aurait duré 24 heures et aurait été un documentaire… C’était ça le principal défi.
Vous avez écrit pour « Doctor Who », « Sherlock » et « The League of Gentlemen », était-ce la même façon d’écrire ?
C’est le même processus d’écriture pour tous. « The League of Gentlemen » est une comédie, il s’agit essentiellement d’une succession de sketchs avec une même structure. C’était différent pour l’écriture de « Sherlock » qui est aussi assez drôle, il est très important pour nous que nous les voyons rire, Steven Moffat et moi avons tous deux débuté dans la comédie. Il y a aussi beaucoup de gags dans « Doctor Who », c’est une sorte de ton je suppose. Il faut savoir quel genre de série vous écrivez : quand vous voulez que les gens rient, quand ils doivent être effrayés, émus… La recette est différente, mais globalement le travail est le même.
Il y avait peut-être plus d’improvisation dans « The League of Gentlemen » ?
Non, nous n’avons jamais fait comme ça, tout était toujours écrit.
Pendant le débat sur les 50 ans de la série, nous avons évoqué les fans français qui souhaitaient découvrir la série classique, par quel épisode conseillez-vous de commencer ?
Pourquoi ne pas commencer par le début ? Il y a beaucoup d’étapes dans l’histoire de « Doctor Who » avec des épisodes que vous pouvez regarder sans avoir besoin d’en savoir beaucoup sur ce qui s’est passé avant. Mais le tout premier épisode est tellement incroyable, il vous montre tout ce que vous devez savoir sans vraiment en révéler trop, tout est mystérieux, c’est très excitant à regarder et encore à ce jour c’est passionnant. Nous avons tous notre Docteur préféré, mais il n’y a pas de meilleur endroit pour commencer que le début de la série.
Quand j’étais petit, avec mon frère et ma sœur (plus âgés que moi), mon père avait l’habitude de nous dire « ah oui, je me souviens quand les Cybermen étaient dans les égouts » cela m’intriguait car je ne les avais pas vu. Il y avait aussi tous les livres avec les précédents Docteurs. L’idée que des enfants d’aujourd’hui (ou n’importe qui) tombent sous le charme de la nouvelle série et soudain, tombent sur Jon Pertwee, Patrick Troughton ou Tom Baker, est incroyable et très agréable.
Quel est votre épisode classique préféré ?
« The Green Death ». Jon Pertwee est mon Docteur et c’est mon épisode préféré. Il y a des millions de bons épisodes mais celui-là tient une place très spéciale dans mon cœur, j’aime Jo Grant, et quand elle quitte le Docteur dans la dernière scène, ça me fait pleurer à chaque fois…
Many thanks to Mark Gatiss for his time and availability !
Tous nos remerciements à Alain CARRAZE, Romain NIGITA de 8 ART CITY et Sabrina GAUDOU de GOMA COMMUNICATION, et toute l’équipe du Comic Con Paris saison 5.
© Interview réalisée dans le cadre du « Comic Con Paris saison 5 » par Anne-Claire Noël et Maud Robillard pour « Beans on Toast » – www.doctor-who.fr.
© Crédits photos : Anne-Claire Noël, Maud Robillard.
Traduction par Anne-Claire Noël, et relecture par Maud Robillard, Isabelle Wendling.
Préparation des questions : Aurélie Demonchaux, Anne-Claire Noël, Maud Robillard.
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