Cette nouvelle a été publiée pour le 2 décembre dans le calendrier de l’avent de la BBC en 2007. A priori, pas de spoilers en soit, juste quelques trucs dans les allusions (j’ai mis des annotations).
LE GIVRÉ
Une histoire de RUPERT LAIGHT, Illustrations de MARTIN GERAGHTY
‘Je n’ai pas fait de patin à glace depuis mon sept cent vingt et unième anniversaire 1,’ se murmura le Docteur, tandis qu’il courrait vers l’autre côté de la console pour pomper la boucle de vortex.
Il vérifia le scanner. ‘Année – 5113. Planète – Pays hivernal des merveilles. La seule place dans tout l’univers entièrement dédiée aux sports d’hiver.’ Le Docteur sourit. ‘Une patinoire de la taille d’Huddersfield.’
Il poussa le levier pour actionner les portes. – Il y eu un profond son de gargouillement, puis une massive vague d’eau froide – suffisamment haute pour surfer dessus – s’écrasa dans le TARDIS, noyant le sol et détrempant tout ce qui se trouvait à portée.
Au sommet de la vague se trouvait une femme.
Elle s’effondra au sol aux pieds du Docteur.
Il repoussa rapidement le levier, et les portes se refermèrent avant le déluge imminent. Il fit une grimace au son des circuits électriques grésillant et éclatant sous ses pieds.
‘C’est gentil d’avoir nagé jusqu’ici,’ dit-il en aidant l’étrangère à se relever.
‘Où suis-je ?’ demanda-t-elle. ‘Qui êtes-vous ?’
‘Je suis le Docteur. Qui êtes-vous ?’
‘Je suis Mai,’ répondit la dame. ‘Mai Kondo.’
Elle avait dans les 25 ans, avec un visage rond et amical, des lunettes et des cheveux noirs courts. Elle portait un ensemble strict. Un ensemble strict terriblement mouillé.
‘J’étudie pour être une scientifique en environnement étranger, mais je me suis retrouvée un petit peu… heu…dépassée par les événements’ dit elle, essorant ses manches et vidant l’eau de ses chaussures. ‘Je suis venue de la Terre il y a deux semaines – avec mon groupe d’exploration de l’université. C’est pour ma thèse. Cette planète est bien plus endommagée que nous le pensions.’
Le Docteur observa son scanner. Une image de sommets montagneux sans neige et des kilomètres et des kilomètres de marais moroses fit place à un graphique montrant une planète se rapprochant le long d’un arc de plus en plus près de son propre soleil.
‘D’après cela,’ il remarqua, ‘Le Pays Hivernal des Merveilles se réchauffe de jour en jour. D’où la fonte des glaces.’
‘C’est ce qui se passe sur la Terre aussi,’ dit Mai.
‘Mais cela n’est pas causé par la pollution, c’est un déclin orbital. Et il n’y a pas grand chose à faire contre cela.’
Mai s’assit à même le sol. ‘J’avoue que j’espérais voir au moins un tout petit peu de glace. Mais il ne reste même pas un simple flocon de neige ici.’
‘Dans ce cas,’ se demanda le Docteur à voix basse, mettant ses lunettes, ‘que diriez-vous d’un petit bond à travers le temps et l’espace ?’
‘C’est une machine à voyager dans le temps ?’
‘Et bien… c’est juste un petit détour, en réalité. Vous savez, un petit saut en 1500 avant Jésus-Christ. Puis filer vers le futur et l’an 9000. Un crochet par les magasins.’
‘ça doit consommer tellement de carburant. Quelle est l’empreinte écologique de votre distorsion, Docteur?’
‘Oh, pas très grande,’ répondit-il, balayant l’idée d’un geste de la main. ‘Plutôt une empreinte digitale que de pied, en fait. Et j’essaye de la compenser en cultivant mes propres légumes. Vous devriez voir mes brocolis 2.’ Le Docteur fit une pause. ‘Vous avez peut-être remarqué que mon TARDIS est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur,’ il ajouta fièrement.
‘J’allais justement le mentionner.’
‘Je pensais que vous le feriez.’
Mai sourit et regarda le Docteur réinitialiser les cordonnées.
‘Je vais vous montrer à quoi ressemblait la Terre quand il y avait encore des hiver. Et je vais pouvoir faire un peu de patin à glace aussi. Deux pierres d’un coup et tout ça.’
Et avec un sifflement, un grognement et un bruit de pétillement, le TARDIS dématérialisa.
* * *
‘Nous nous sommes posés au milieu de la Tamise ?’ cria Mai, horrifiée. ‘êtes-vous cinglé ?’
‘Pas de soucis.’ le Docteur fit un geste de la main. ‘C’est février 1814. Elle est solidement gelée. Enfin, pas solidement, mais tout aussi bien.’
Mai franchit les portes du TARDIS, habillée d’un des anciens manteaux du Docteur, et d’une écharpe 3, et plaça prudemment un pied sur la glace. Puis elle regarda autour d’elle.
La Tamise ne coulait plus – elle avait gelé en un immense anneau de glace bien régulier. Du pont de Blackfriars jusqu’au pont de Londres, la rivière recouverte de glace était encombrée d’échoppes vendant boisson et nourriture, de clowns jonglant avec des bâtons en feu, d’animaux exécutant des tours, d’enfant jouant aux quilles, et de centaines de gens frigorifiés mais heureux, discutant, riant et patinant de ci de là.
‘C’est la dernière fois que la Tamise gèle entièrement. De sa propre volonté.’ Il fit une pause, s’appuya contre le TARDIS, et commença à lacer une paire de patins. ‘Bien sûr, ils l’ont fait artificiellement pour le Dancing On Ice Special 4 de 2003. Le Boléro final de Torvill et Dean. Ma parole, ils étaient doués…’ Il s’arrêta, réalisant que Mai le regardait comme s’il était fou. ‘Magnifique, en tous cas, n’est-ce pas ?’
‘Je n’avais jamais vu quelque chose comme ça.’ Mai soupira tristement. ‘D’où je viens, rien ne gèle plus.’ Elle frissonna. ‘C’est si froid.’
‘Je peux vous prêter des sous-vêtements thermiques.’
‘Non, je veux dire plus froid que nécessaire pour geler.’
Le Docteur fouilla dans ses poches, et en sorti un thermomètre. ‘Moins dix-sept,’ dit-il, notant la température.
Mai le lui pris des mains. Elle le fixa des yeux un moment, puis releva la tête, désorientée. ‘Il vient de tomber à moins vingt.’
‘Moins vingt ?’ Il fronça les sourcils d’un air sombre. ‘Vous savez ce que ça veut dire, n’est-ce pas ?’
Mai grimaça aussi, inquiète.
‘Température parfaite pour patiner ! Venez !’ Et il s’élança sur la glace, laissant Mai lacer ses patins.
‘Je n’ai jamais fait ça avant,’ Mai rappela au Docteur tandis qu’ils avançaient à travers la foule, près de groupes d’enfants enthousiasmés, d’adultes discutant du temps, de gangs d’adolescents furtifs, d’ânes proposant des balades et de vendeurs de souvenirs très bruyants.
‘Vous avez compris très vite,’ cria-t-il vers elle. ‘Vous aimez ?’
‘C’est pas mal,’ répondit-elle, essayant d’avoir l’air nonchalante.
Après plusieurs minutes, le Docteur s’arrêta, fatigué mais souriant. Mai patina dans sa direction, et il l’attrapa dans ses bras. Ils rirent, se regardant pendant un moment, puis il la relâcha.
‘Ils avaient des rois et des reines à cette époque, euh.. maintenant, n’est-ce pas ?’ demanda Mai, une fois qu’elle eu reprit son souffle. ‘Qui est sur le trône?’
‘Qui est sur le trône?’ répéta le Docteur, incrédule. ‘Mai Kondo! N’êtes-vous pas allée à l’école ?’
‘Si, mais nous n’avons pas fait d’histoire ancienne. Tout ce qui s’est passé avant le Grand Exode est un mystère pour moi.’
‘Qui est sur le trône… bonté divine… imagine, ne pas savoir ça…’ il ne finit pas sa phrase.
‘Continuez,’ encouragea Mai, impudemment.
‘Ce doit être la rei… le r…’
‘Vous ne savez pas, hein ?’ Mai croisa ses bras.
Le Docteur arrêta un homme qui patinait dans leur direction. ‘Qui est sur le trône ces jours, m’sieur ?’
‘Ben, le roi George, bien sûr,’ répondit l’homme. ‘Le roi George le troisième. Comment pouvez-vous ne pas savoir ça, monsieur ?’
‘Bien sûr que c’est lui,’ dit le Docteur en se frappant le front. ‘Ce doit être le froid – ça gèle les circuits de mon cerveau.’
L’homme eut l’air étonné, et s’éloigna rapidement en patinant.
‘Ce vieux Georgie 5 – Je le connaissais bien. Il a écrasé les Français dans la guerre de sept ans, et de nouveau à Waterloo… et faisait une extraordinaire tourte meringuée au citron.’ Le Docteur fronça les sourcils. ‘Ou était-ce Gordon Ramsay ? Je ne me rappelle jamais.’
‘Je n’ai pas la moindre idée de ce dont vous parlez,’ dit Mai. ‘Vous être vraiment un type très étrange.’
‘C’est gentil d’avoir remarqué ça,’ dit le Docteur avec un sourire.
Mai le regarda avec méfiance, puis se mit à rire.
‘Magasin de cadeaux !’ cria le Docteur. Il avait remarqué un homme vendant des souvenirs. ‘Woo !’
Ils patinèrent jusqu’à l’échoppe, et jetèrent un oeil sur la marchandise.
‘Qu’est-ce que cela ?’ demanda Mai, tenant un petit objet à la lumière.
‘C’est un dé à coudre.’
Il était peint « Frost Fair 1814 » sur un côté dans une délicate gravure.
‘Un quoi ?’ elle demanda, désorientée.
‘C’est une longue histoire et elle implique de repriser des chaussettes. Pas très utile pour quelqu’un de 5113. Vous en voulez un ?’
‘Si ce n’est pas très utile, pourquoi en voudrais-je un ?’ dit-elle en tendant le dé au Docteur.
‘Parfois il n’y a rien d’aussi bien que quelque chose de totalement inutile 6,’ dit-il. ‘Mais je n’ai plus de Guinées en or de toutes façons.’
A ce moment, quelque chose attira l’oeil de Mai, et elle pointa du doigt à travers la foule. ‘Qu’est-ce que c’est que ça ?’
‘ça ressemble à une sculpture de glace, pour moi.’
‘Une sculpture faite de glace ? Whaa!’ Elle patina dans la direction de la statue pour la voir de plus près.
‘Allez-vous acheter cela, monsieur ?’ demanda le vendeur de souvenirs en grimaçant. ‘Ce n’est pas un musée ici.’
‘C’est vrai,’ dit le Docteur. ‘L’ennui c’est que…’ Il fouilla ses poches. ‘Je n’ai pas de…’ Puis sa main toucha le papier psychique. ‘Ah !’ Une idée lui vint. ‘Je suis de la commission de sa Majesté pour…’ Il montra le papier. ‘l’inspection des dés à coudre…’
* * *
Mesurant un peu plus de trois mètres et demi, une immense sculpture de glace aussi magnifique que n’importe quelle oeuvre ciselée par Rodin se tenait sur la Tamise. Elle était délicate, translucide, et vaguement humaine dans sa forme – cependant, ses angles étaient pointus, équarris, non finis. Ses traits barbus étaient plus comme ceux d’un dieu grec que d’un homme. Et Mai sentit, malgré sa beauté, que la statue avait quelque chose de terrifiant.
Elle remonta son écharpe serrée autour de sa gorge. Elle était sure que la température avait encore baissé. Puis elle se rappela qu’elle avait encore le thermomètre du Docteur.
‘Moins vingt-trois,’ elle murmura, surprise. ‘C’est de plus en plus froid.’
Intriguée par l’immense statue, Mai se rapprocha pour mieux voir. Il y avait quelque chose d’étrange dans la glace utilisée pour la sculpter – ça ressemblait plus à du verre avec du givre – elle tendit donc la main et toucha la surface.
Quand sa main fut en contact avec la glace, elle laissa échapper un cri de douleur. C’était aussi chaud qu’un four.
‘Qu’est-ce que… ?’
Plus que cela, pendant un moment, sa main fut même collée à la sculpture, tandis que le personnage émettait une étrange lueur rouge, comme du sang pulsant à travers une veine transparente.
Mai retira sa main brusquement, et un froid intense l’enveloppa. Elle se retourna, bousculant le Docteur dans son mouvement. ‘Ce truc est brûlant !’ cria-t-elle.
Il plaça rapidement un petit objet dans la poche de son manteau. ‘Ne soyez pas ridicule, Mai.’ Le Docteur tendit la main. ‘Ce n’est rien qu’une… aaaah Vous avez raison !’ Sa main colla à la sculpture pour un moment, avant qu’il n’exerce une force suffisante pour la libérer.
Elle secoua la tête désespérément. ‘C’est quoi ce truc avec les hommes ? Juste comme les gamins – Ils ne veulent pas écouter.’
‘Vous avez vu ça ?’ demanda le Docteur d’une voix étouffée, soudain sérieux. ‘ça luit.’
‘ça ne peut pas être fait par des humains.’ dit Mai. ‘des aliens ?’
‘Et bien si ce n’est pas le cas, c’est le morceau de glace le plus chaud que j’aie jamais rencontré. Vous ne voudriez vraiment pas de ça flottant dans votre orangeade.’
‘Avez-vous remarqué que quand vous le touchez, ça vous donne vraiment froid ? Je sais qu’il fait froid dehors, mais là ça m’a donné encore plus froid.’
‘Juste !’ trompeta le Docteur. ‘Tout ce qui est autour refroidit de plus en plus alors que ceci se réchauffe.’
‘Donc ça prend la chaleur de tout ?’
‘De vous, de moi… même de la terre elle-même.’
Ils se regardèrent en silence.
‘Que va-t-on faire ? Trouver un pic à glace ?’ suggéra Mai, ne plaisantant qu’à moitié.
‘Nous devons communiquer avec. Et qui mieux que moi peut faire cela ? Je m’entends en général bien avec les aliens.’
Le Docteur s’éclaircit la gorge.
‘Bon, écoutez. Mon nom est le Docteur. Et je demande à savoir quel est votre raison d’être sur terre !’
Silence.
‘Je vais le chercher, ce pic à glace ?’
‘C’est sérieux, Mai.’ Le Docteur fronça les sourcils. ‘Il n’y a qu’une seule méthode. Allons-y.’
Avant qu’elle ne puisse l’arrêter, il avait placé ses deux mains sur la surface de l’immense personnage.
‘Non, Docteur!’ hurla Mai. ‘Ne soyez pas stupide !’
‘Reculez !’ cria-t-il. ‘Il a besoin de mon énergie pour parler, bouger… vivre.’
‘Mais vous allez -‘
Le Docteur la fit taire d’un mouvement de tête.
‘Qui… êtes… vous ?’ glissa-t-il, s’adressant à la statue.
L’étrange créature devant eux luit à nouveau d’une profonde lumière rouge. Puis, avec un sinistre grincement, il baissa lentement sa tête glacée pour regarder le Docteur. Deux sphère de lumière ardent brûlaient au milieu de son visage.
‘D’où venez-vous ?’ demanda le Docteur, son énergie s’amenuisant déjà.
L’alien se mit à parler.
‘Je suis Masoon,’ dit-il d’une voix faible mais profonde, presque un murmure. ‘des Hyban.’
‘Les Hyban?’ répéta le Docteur, fermant les yeux. ‘Où ai-je entendu ce nom avant ?’ Son front se plissa en concentration. Bien sûr ! Les Hyban. Une race pacifique, et une des seules formes de vie réellement endothermique de l’univers. Ils utilisent la chaleur de leur environnement pour s’alimenter. Ironiquement, certains les appellent les Givrés.’
‘Ma planète est morte. Un monde glacés en orbite vers une étoile effondrée,’ dit Masoon. ‘Les Hyban ont voyagé à travers la galaxie pour trouver de nouvelles sources d’énergie. Mon voyage m’a finalement amené dans ce système solaire. J’ai senti les vastes feux déchaînés sur cette petite planète.’
‘Bien sûr ! La race Humaine est à l’aube de la révolution industrielle. Des montagnes de charbon sont brûlées à une vitesse incroyable pour alimenter des milliers de nouvelles machines.’ Il fit une pause. ‘Et nulle part autant qu’à Londres.’
L’expression de Mai s’assombrit. ‘Il aspire toute la chaleur, juste pour survivre. C’est pour ça que la température tombe si rapidement !’
‘Juste,’ le Docteur réussit à dire à travers ses dents s’entrechoquant. ‘Et c’est juste le début…’
‘Mais tout le monde va mourir. Il va y avoir un âge de glace.’ Mai regarda le thermomètre et frissonna. ‘Moins trente !’
‘Il n’y a pas de temps à perdre !’ Et rassemblant ses forces, le Docteur s’éloigna de Masoon, libre.
Vous allez bien ?’
Il acquiesça, mais avant qu’il n’ait pu dire un seul mot, la créature leva ses deux grands bras translucides haut dans les airs et plongea vers l’avant.
‘Docteur, attention !’
C’était trop tard. L’Hyban avait attrapé le Docteur dans une étreinte glacée, les bras de la créature fusionnant autour de son corps.
Le Docteur poussa un long cri d’agonie.
‘Docteur!’ hurla Mai, terrifiée.
‘J’ai besoin de votre énergie,’ murmura Masoon. ‘Je dois survivre.’
‘Faites quelque chose !’ le Docteur gémit à Mai. ‘Il absorbe ma vie !’
‘Mais quoi ?’
‘Quelque chose pour l’attirer au loin.’
‘Ouais…’ Mai se secoua, puis fouilla son cerveau. ‘Il veut de l’énergie. Il veut de la chaleur. On a besoin de quelque chose avec beaucoup de puissance.’
‘Réfléchissez !’ cria le Docteur d’un ton angoissé.
‘Le TARDIS !’
‘Brillant !’
D’épais cristaux de glace étaient en train de se former autour du visage du Docteur.
‘Allumez les radiateurs,’ souffla-t-il entre ses dents.
‘Les quoi ?’
‘Les radiateurs !’ Sa peau devenait de plus en plus pale au fur et à mesure que l’Hyban volait sa force, le transformant lentement, comme il faisait avec tout ce qu’il absorbait, en glace. ‘Même le TARDIS a besoin d’un système de chauffage. Les commandes… sous le plancher… marqué…’ furent les derniers mots du Docteur tandis que la glace fermait sa bouche solidement.
Mai ne voulait pas laisser son nouvel ami, mais elle savait qu’elle avait un devoir à remplir – un devoir que personne d’autre ne pouvait faire.
Elle patina à toute vitesse vers le TARDIS, ouvrit les portes brusquement, et cliqueta à l’intérieur.
Mais où était la chaudière ?
Mai poussa un gémissement de frustration alors qu’elle trébuchait à travers la salle, ses patins s’entrechoquant contre les panneaux métalliques du sol.
Puis elle le vit – de minuscules lettres sur le sol dans un coin sombre, indiquant Ne pas toucher !
‘Ce doit être ça,’ se murmura-t-elle, et arracha la trappe pour révéler un gigantesque et archaïque système de chauffage.
Elle tourna le cadran de « Eteint » à « Maximum ».
Il y eut un cliquetis et un bruit sourd, puis des bruits de rouages, suivi par une grosse explosion quelque part bien plus bas.
Puis cela commença.
La salle avec la console passa de froid glacé à chaud brûlant.
* * *
Les yeux du Docteur étaient fermés – il était rigide, sans vie. De la classe couvrait chaque partie de son corps.
Mai se tenait vers lui, ses yeux se remplissant de larmes. Elle venait de rencontrer cet homme étrange, mais il était si intelligent, et capable de tellement de choses..
‘La voilà, ton énergie !’ cria-t-elle, furieuse, à l’Hyban, montrant le TARDIS du doigt. ‘Content ?’
Avec un bruit dՎclatement, Masoon ouvrit ses bras et rel̢cha le Docteur, qui tomba raide sur la glace.
La massive créature se tourna alors lentement en direction du TARDIS, et lorsqu’il fit son premier pas, le son étaient assourdissant – les vibrations qu’il créait se répandant à travers la glace.
La foule se retourna pour voir ce qui se passait, et regarda bouche bée tandis que la sculpture géante traversait la rivière gelée avec un bruit de tonnerre.
Des cris et des hurlements se répercutèrent à travers les gens tentant de sortir du trajet de l’Hyban, dérapant et tombant alors qu’ils tentaient de s’échapper.
A chaque fois qu’elle soulevait l’un de ses lourds pieds glacés, la créature laissait un énorme cratère dans la glace, à travers lequel il était possible d’apercevoir la brillante rivière.
Puis il disparu dans le TARDIS.
La foule regarda l’étrange boîte bleue, effarée.
‘Docteur !’ gémit Mai. ‘Dites quelque chose ! Je vous en prie, dites quelque chose !’
Silence.
Pour Mai, une éternité se déroula.
Elle tenait dans ses mains les mains glacées de son nouvel ami.
Puis un miracle.
‘Doit… retourner… au TARDIS,’ réussit-il à dire d’un petit soupir pathétique.
La glace entourant le Docteur commença à fondre.
‘Vous allez bien !’ Une larme de soulagement gela sur la joue de Mai.
‘Bien sur que je vais bien,’ dit-il d’une voix bien plus normale, inspira un grand coup, et tituba en se relevant. ‘Deux coeurs. ça remet le sang en circulation en un clin d’oeil.’
‘Deux coeur ? Vous êtes un alien ?’
‘Naturellement. Vous n’êtes pas une aliéniste, j’espère ?’
Soudain, il y eu un long bruit de craquement, très bas. Puis un terrifiant « crac » se réverbéra dans l’air.
La chaleur du TARDIS était en train de faire fondre la rivière gelée, et là où Masoon avait laissé ses gigantesques empreintes, de vastes fissures apparaissaient, transformant rapidement la glace en dizaines d’îlots flottants.
De nouveaux cris de panique retentir tandis que le restant des fêtards se ruèrent vers la sécurité des rives.
‘Mettez vos patins, Docteur!’ cria Mai.
‘Nous nous débrouillerons mieux sans,’ répondit le Docteur.
Ils retirèrent rapidement leur patins à glace.
‘Mes pieds sont en train de geler!’ grinça Mai.
‘Vous pourrez les réchauffer quand nous serons à l’intérieur.’
Le Docteur attrapa la main de Mai et ils sautèrent sur un morceau de glace voisin.
De là, ils cherchèrent un moyen d’atteindre le TARDIS, qui se trouvait sur un îlot isolé, quelque part le long de la rivière. Mais c’était trop loin pour sauter.
‘Pagayez!’ hurla le Docteur. Et ils s’accroupirent et bougèrent frénétiquement leurs mains dans l’eau glacée.
Le navire de glace commença à se déplacer – et leurs efforts désespérés, aidés par le lent courant de la Tamise, les attira finalement plus près du TARDIS.
‘Après trois, nous sautons,’ ordonna le Docteur.
Ils se préparèrent, et prirent une profond inspiration.
‘Un…’ compta le Docteur, ‘deux… trois !’
Et ils bondirent au-dessus de l’eau, et glissèrent jusqu’à s’arrêter dans une pile détrempée près du vaisseau du Docteur.
‘Vous allez bien ?’ demanda le Docteur.
‘Trempée, glacée, mais vivante,’ répondit Mai en souriant..
Ils rampèrent jusqu’au TARDIS et claquèrent les portes fermées.
‘Regardez !’ Mai pointa l’Hyban du doigt.
Masoon se trouvait vers la console, ses bras levés comme en élévation, absorbant la chaleur du TARDIS.
‘Ma facture de gaz va atteindre des sommets,’ grommela le Docteur, et il approcha de l’alien.
‘éloignez-vous de lui, Docteur !’ hurla Mai.
‘Ne vous inquiétez pas – il ne va pas me toucher. Il a toute l’énergie dont il a besoin, maintenant.’
‘Mais il aurait pu vous tuer, dehors. Il est diabolique.’
‘Diabolique ?’ Le Docteur rit. ‘Il fait juste ce que n’importe qui ferait – il essaye de survivre. Je veux dire, regardez les humains. Vous autres êtes tout aussi insouciants avec vos ressources naturelles.’
‘Vous n’avez pas besoin de me le dire, Docteur. Nous savons. Et nous en payons le prix maintenant. Mais des gens comme moi essayent de réparer les choses sur terre.’
‘Et vous aller y arriver, Mai, je peux vous l’assurer.’ Le visage du Docteur était indéchiffrable. ‘Vous allez être très très importante un jour.’
‘Vous avez vu mon futur ?’
‘Je n’ai pas besoin de voir votre futur pour savoir ça.’
Mai regarda intensément le Docteur. Il était vraiment totalement différent de toutes les personnes qu’elle avait rencontré jusque là.
‘J’ai une idée,’ dit-il après une pause, et il se dirigea vers les contrôles, régla les coordonnées, et regarda le rotor temporel du TARDIS se mettre en mouvement.
‘Où va-t-on maintenant ?’ demanda Mai.
‘Vous verrez,’ répondit le Docteur.
* * *
‘Qu’est-ce que je vous disais ? ça fonctionne déjà.’
Le Docteur et Mai étaient assis ensemble dans les longs gradins des spectateurs entourant l’énorme patinoire du Pays Hivernal des merveilles. C’était si grand qu’ils ne pouvaient voir l’autre côté. De la neige tombait sur eux.
‘Masoon absorbe juste assez d’énergie du soleil pour maintenir la planète à la bonne température,’ dit-il à Mai.
‘Mais que se passée-t-il quand elle se déplacera trop près du soleil pour qu’il puisse contrôler la température ?’
‘Ils devront trouver un autre endroit. ça ne devrait pas être un problème, par contre – les Hyban font de supers climatiseurs portables.’
Mai rit. ‘Je n’arrive pas à croire que je viens de voyager à travers le temps et l’espace avec vous. Et oubliez ça – Je ne peux pas croire que j’ai fait du patin à glace. J’aimerais bien avoir quelque chose pour le prouver, d’ailleurs. Personne ne va me croire.’
‘Aah…’ dit le Docteur, l’air très content de lui. ‘Alors c’est une chance que je vous aie pris ça.’
Il présenta le dé à coudre souvenir de la fête du gel.
Le visage de Mai s’éclaira. ‘Parfois il n’y a rien d’aussi bien que quelque chose de totalement inutile,’ se murmura-t-elle, se rappelant les paroles du Docteur, et comprenant finalement ce qu’il voulait dire.
‘Vous apprenez vite, Mai Kondo,’ sourit le Docteur. ‘Alors, vous allez vous en sortir ici ? Ou vous voulez que je vous dépose sur terre ?
‘Je vais bien,’ répondit Mai. ‘J’ai pas mal à écrire pour ma thèse, et où mieux le faire qu’entouré par toute cette neige extraordinaire ?’
‘C’est bien,’ sourit le Docteur. ‘Et vous savez, je pourrais rester quelques temps par ici. Après tout, nous avons encore nos patins. Envie de venir me rejoindre sur la glace pour un dernier tour ?’
‘Je croyais que vous ne demanderiez jamais,’ répliqua Mai.
FIN
1 Le 10e Docteur est censé avoir 900 ans environ, mais ceci a toujours été sujet à discussion, à cause de certaines mentions des Docteurs eux-même ou de leurs compagnons et de certaines actions non visibles à l’écran.
2 Le 5e Docteur (Peter Davison) portait une branche de céleri à la boutonnière pour le prévenir de la présence de gaz de type « Praxis », mortels pour lui
3 Le 4e Docteur (Tom Baker) portait un manteau et une très longue écharpe
4 John Barrowman a participé à l’édition 2007 de Dancing On Ice, où il est arrivé en demi-finale, surprenant tout le monde.
5 Le Docteur semble avoir des problèmes avec les Reines (dans toutes les séries) mais s’entendre à merveille avec les rois (même Louis XVI)
6 Les 3e, 4e, et 5e Docteurs sont réputés pour avoir un nombre de choses inutiles dans les poches. Le 10e Docteur ose même une fois le « c’est plus grand à l’intérieur » au sujet de ses poches.
Les textes
Version officielle sur le site de la BBC: http://www.bbc.co.uk/doctorwho/advent07/the_frozen.shtml
VO en pdf à télécharger: http://www.loutan.net/Tardis/The_Frozen.pdf
VO en pdf à télécharger en livret pour imprimer: http://www.loutan.net/Tardis/The_Frozen_livret.pdf
VF en pdf à télécharger: http://www.loutan.net/Tardis/The_Frozen_fr.pdf
Discussion
Toute la discussion sur cette histoire est ici:
http://doctorwho.xooit.fr/t230-Livres-The-Frozen-en-VF.htm
écrit par RUPERT LAIGHT, Illustrations de MARTIN GERAGHTY
Merci tous spéciaux à Russell T Davies et Gary Russell
Traduction de Midori
Vignette de Nanou