
Jeudi 26 mars 2020, Russell T Davies nous a offert un prequel à l’épisode « Rose » juste avant un visionnage mondiale de l’épisode par tous les fans. Cette nouvelle « Doctor Who and the Time War », écrite il y a quelques années, a été éxumée et partagée par l’ancien showrunner, pour la plu grande joie des fans.
Beans On Toast vous propose une traduction libre (non professionnelle) du texte d’introduction et de la nouvelle et nous remercions chaleureusement Léa pour son travail. Vous pouvez toujours la lire en anglais sur le site de la BBC.
Ceci n’était jamais sensé exister.
Il y a un moment, peut-être début 2013, Tom Spilsbury, l’éditeur du Doctor Who Magazine, ’a demandé si je voulais contribuer au numéro spécial 50 ans du DWM. En abordant peut-être le grand trou dans l’univers de Doctor Who : comment le Huitième Docteur s’est-il régénéré en Neuvième ?
J’ai dit, oui, non, mais n’est-ce pas mieux si c’est laissé à l’imagination ? Si j’écris un script, ça serait trop réel, trop fixé, trop canon. Mais Tom n’est pas du genre à abandonner. Il m’a dit ok, et si tu écrivais, disons, les dernières pages d’un roman Target sur les derniers jours de la Guerre du Temps ? Les derniers moments du Docteur. Et on pourrait les présenter comme un fragment subsistant du Roman Qui N’A Jamais Été, il existerait dans cet espace à moitié réel des spin-offs, possible mais pas factuel, juste légèrement canon, selon ton choix. Ok Tom. Vil tentateur. J’en suis.
Donc j’ai écrit ce texte. Il commence même au milieu d’une phrase, comme si tu avais juste tourné la page. Lee Binding créa une magnifique couverture. Nous étions excités ! Et puis Tom a dit, je ferais mieux d’en parler à Steven Moffat, juste au cas où…
Oh, a dit Steven. Oh. Comment aurions-nous pu le savoir ? Que Day of the Doctor pouvait contenir un Docteur supplémentaire, un Docteur de le Guerre ? Et Steven ne nous avait même pas parlé de Night of the Doctor, il a gardé la surprise totale sur cette régénération ! Il a juste dit désolé, pouvez-vous mettre de côté toute cette partie ? J’ai accepté, offusqué, je suis allé au lit et je lui ai dit que il dormirait sur le canapé cette nuit.
Et donc cette idée a été étouffée dans l’œuf. Jusqu’à 2020. Quand un virus digne de la science-fiction est venu changer nos vies (honnêtement, j’ai écrit sur la fin du monde 100 fois, mais je n’aurai jamais imaginé que tout le monde juste assis chez eux). Emily Cook de DWM a créé le livestream de l’épisode Day of the Doctor, puis a eu l’idée de faire la même chose avec Rose, et m’a demandé si j’avais quelque chose à offrir ? Exactement au même moment, Chris Chibnall m’a envoyé un mail, me disant que nous avions besoin du Docteur plus que jamais ces jours-ci, et me demandant si je pensais à quelque chose ?
Par miracle, ce fichier existait toujours. Lee [Binding] avait toujours son illustration (naturellement, il était sous un contrat contraignant [binding en anglais], je suis tellement drôle). Et étrangement, avec du recul, c’est drôle comment les choses s’assemblent. Le Moment est décrit ici en chêne et en laiton, ce qui n’est pas loin de l’idée finale (je ne parle pas de Billie). Je me demande et je suspecte, sans le réaliser, si Steven et moi nous nous étions rapprochés tous les deux du style et du design du Huitième Docteur, peut-être… ? Plus important, l’idée a fait son chemin. Ce chapitre était mort car il était devenu incohérent dans la continuité de la série. Mais maintenant, le Treizième Docteur nous a montré des Docteurs à foison, avec des possibilités infinies.
Tous les docteurs existent, toutes les histoires sont vraies. Maintenant viens avec moi, sur les lointains écueils d’une terrible guerre, alors que le Docteur prend le Moment et change à la foi l’univers et ses régénérations…
Russell T. Davis
Doctor Who et la Guerre du Temps – Russell T Davis
mais les Daleks et les Seigneurs du Temps crient en vain, maintenant trop loin de lui pour l’arrêter. Et le Docteur demeure seul.
Il regarde dehors depuis son aire, à travers les décombres d’un millier de mondes. En dessous de lui, des fragments de la Guerre du Temps, des écueils brisés de Gallifrey et de Skaro trempant dans ces eaux mortes, bientôt pourrissant. Sa plateforme en bois craque comme la glace, à un kilomètre au-dessus des ruines du Capitole Rouge de Morbius, ses ignobles tours se fondent avec les flèches noires et friables de l’église de Yarvelling. Et pourtant, le Docteur peut encore voir des restes de la Terre. La planète a été répliquée un million de fois, devenant des balles tirées dans le crâne de l’Enfant Cauchemars, et des fragments de l’espèce humaine se sont enterrés eux-mêmes dans la terre dévastée en contrebas – des reliques de Mumbaï, des éclats de Manhattan, une satire du Vieux Londres. Souvenirs de jours meilleurs.
Le Docteur baisse son regard. Son squelette est étendu à ses pieds. Ses os se transforment en poussière et elle s’en va. Le Docteur lève son regard.
En face de lui, à l’extrémité de la plateforme, une poignée en laiton, montée sur un simple boîtier en chêne ; c’est la seule extrusion du Moment subsistant dans ce monde, le reste de sa vaste masse est cachée, enchaînée à une N-Forme, agitée derrière le mur dimensionnel. Hurlant d’être utilisée.
Il s’avance. Il saisit la poignée. Il se demande quels devraient être ses derniers mots. Il décide que des derniers mots sont inutiles. Il tire la poignée vers le bas, fermement.
Le Moment arrive.
L’univers chante.
La guerre s’achève.
Entouré de clarté, le Docteur voit le ciel au-dessus de lui s’ouvrir pour révéler, comme Bettan et les Forgerons de la Mort de Goth l’avaient prédit, l’événement final.
La Gallifrey Originelle convulse et roule dans les flammes. Ses anneaux concentriques de vaisseaux de guerre Dalek deviennent des silhouettes, puis des cendres, et puis –
Le Docteur tombe. Chaque atome autour de lui est aspiré vers le haut, vers le feu, mais lui seul est capable de tomber, sauvé -ou damné- par l’ombre du Moment. Au-dessus de lui, il sent le Verrou Temporel se solidifier, scellant la guerre hors cette réalité, et alors que son corps tombe hors de l’existence dans le plasma, puis dans le vide spatial, puis au-delà, le Docteur s’incline dans sa chute, la tête la première, les bras étendus, plongeant dans l’infinité.
Seul.
A moins que…
Là.
Quelque chose.
Tombant
Tourbillonnant ?
Un tourbillon de bleu. Ce fidèle bleu. Puis un rectangle blanc, s’élargissant, l’embrasure d’une porte, se rapprochant de lui ; et alors que les grincements familiers de moteurs anciens atteignent un crescendo, il pense : je rentre à la maison.
Le Docteur est étendu sur le sol du TARDIS. Ses os brisés par la chute, ses cœurs vidés par sa perte. Autour de lui, la salle de la console, cède, se déforme, tremble, toujours souffrante depuis la résurrection du Maître par le Haut Conseil, il y a longtemps de cela. Elle se languit d’une nouvelle forme. « Moi aussi », marmonne le Docteur avec un sourire sombre, même s’il sait que la régénération est impossible. Le moment a fixé son existence, et cette vie est la dernière.
Il se demande quel âge il a atteint au final. La Guerre du Temps a utilisé les années comme munitions ; à la seule Bataille du Mariage de Rodan, il avait vieilli de 5 millions d’années, avant de régresser jusqu’à n’être qu’un bébé pleurnichant, ses années tournant simplement en éclats d’obus. Maintenant la douleur dans ses os lui fait estimer… mille ans ? Bon. Disons 900, ça sonne mieux.
L’obscurité envahit son esprit et il se force à sourire, prêt, et pourtant jamais prêt pour la fin. Toujours pas de derniers mots.
Mais ensuite…
Est-ce possible… ?
Il le sent une fois de plus.
Cette vieille profonde agitation dans chacun de ses os, de ses muscles et de ses pensées. La joie. La terreur. Le changement, l’impossible changement !
Stupéfié, il lève ses mains. Regarde, fasciné, comment sa peau ondule d’un nouvel or curieux.
Bien sûr. Elle l’a piégé, juste à la fin. Son baiser final n’était pas un adieu, elle a marqué la Restauration à l’intérieur de lui. Son cycle de vie a été réinitialisé, un nouvel homme s’agite pour naître. C’est donc ça la signification de son dernier chant : un nouveau corps entier pour expier sa culpabilité. Peut-être même pourra-t-il lui aussi passer la Restauration à quelqu’un d’autre, un jour.
Soudain ils viennent, tous d’un coup, ses derniers mots. Il les dit d’une voix forte, mais il n’y a personne pour écouter, lui permettant de les imaginer et de les imaginer encore à nouveau, pour toujours.
Puis les noyaux de ses cellules se transformèrent en étoiles. Un volcan d’une dense, vicieuse énergie explose de sa nuque, de ses mains, de ses pieds, de ses entrailles, de ses cœurs, de son âme – Ça s’arrête.
Le Docteur se redresse. Le nouveau Docteur, le prochain Docteur, l’actuel Docteur. Il lève ses nouveaux doigts pour toucher sa nouvelle tête. Son nouveau menton. Son nouveau nez. Ses nouvelles oreilles. Il prend une profonde respiration dans ses nouveaux, secs, larges poumons. Il dit ses premiers mots.
« Ça alors ! »
©BeansOnToast 2020 : traduction en français par Léa pour BOT, relecture et corrections par Anne-Claire (admin).