Russell T. Davies est né à Swansea au Pays de Galles le 27 Avril 1963.
Ce géant de 1m98 a étudié à l’université d’Oxford où il décroche en 1984 un diplôme en littérature anglaise. Il a commencé par travailler dans un théâtre de sa ville natale.
A partir de 1988, il travaille pour le Département de la Fiction pour enfants de la BBC. Il commence par être producteur sur « Why don’t You?« . En parallèle, il fait ses premiers pas au niveau de l’écriture en signant quelques sketchs dans l’émission pour enfant « Breakfast Serial » diffusée sur BBC1.
Mais la première oeuvre signée de sa main est « Dark Season » : cette série de science fiction est destinée aux adolescents et révèle Kate Winslet (Titanic), la série dura 1 saison et 6 épisodes.
Deux ans plus tard, en 1993, il créé la série « Century Falls » qui est dans la même veine que « Dark Season« , la série est diffusée entre Février et Mars 1993 sur BBC1.
Entre temps, Davies a rejoint en 1992 Granada Productions où il travaille sur la série « Children’s Ward« . Un des épisodes qu’il écrit remporte le BAFTA du meilleur drama pour enfants en 1996. Il a écrit en parallèle pour des séries comme « The House of Windsor » ou encore « Révélations« .
Ainsi, en rejoignant Granada, Davies orienta progressivement sa carrière vers un style d’écriture plus adulte. Il travailla brièvement sur le soap opéra « Coronation Street » avant de devoir s’occuper de la série « The Grand » pendant 2 saisons.
En 1997, il collabore sur le premier téléfilm « La Part du diable » (Touching By Evil) où il croise d’ailleurs Shaun Dingwall le futur interprète de Pete Tyler. Ce téléfilm signé Paul Abbott est multi récompensé dans diverses cérémonies britanniques.
Ensuite Russell rejoint une autre compagnie de production : la « Red Productions Compagny ». C’est avec celle-ci qu’il signera ses premiers gros succès, misant sur des scénarii osés et novateurs pour la télévision britannique, Davies créé ainsi l’évènement en 1999 avec « Histoires gay : Queer as Folk« .
La série, diffusée sur Channel 4, provoqua un certain émoi en Grande Bretagne. En effet de part le scénario qui raconte la vie de 3 homosexuels dont celle d’un adolescent de 15 ans et de part le caractère très cru des scènes de sexe, la série apportait un souffle nouveau et sulfureux, pour l’époque, dans le paysage audiovisuel britannique.
Après une saison de 8 épisodes et un téléfilm de clôture, RTD continua sur la thématique homosexuelle en créant la série « Bob and Rose » qui raconte la rencontre de Rose et de Bob, deux personnes a priori très éloignées mais qui se rapprocheront au point de briser leurs quotidiens et d’entamer une relation au devenir assez incertain, la série s’achève après une saison.
Davies retravaille pour BBC1 en écrivant, en 2001, un épisode de la série « Linda Green » mais c’est deux ans plus tard qu’il amorce un tournant clé dans sa carrière.
En effet il produit pour ITV la minie série « The Second Coming« .
Cette dernière loin des canons des œuvres de Davies aborde les thèmes de la religion et du fantastique. La trame, comme l’indique le titre, traite du retour du fils de Dieu, Steve Baxter (joué par C. Eccleston). Cette première incursion dans le domaine fantastico-religieux est un succès : la série est multi nominée dans les plus grandes cérémonies britanniques tout en récoltant une excellente audience.
Les années suivantes, RT Davies développe deux mini séries « Mine All Mine » et surtout « Casanova » pour BBC3 qui est une transposition de l’oeuvre du même nom et a pour personnage principaux David Tennant et Peter O’Toole.
Depuis longtemps Russell a toujours clamé qu’il ne reviendrait à la BBC que pour travailler sur Doctor Who dont il est fan depuis son plus jeune âge.
Son implication à vouloir s’investir dans cet univers est ancienne. Ainsi en 1996, Davies signa une nouvelle de Doctor Who intitulée « Damaged Goods » et en 1999 il tenta de reprendre en main la série mais les velléités de film de BBC Worldwide l’en empêchèrent.
Mais en 2003 la situation changea, les projets de films furent mis au placard : Davies pouvait revenir dans « les affaires » ! Ainsi débuta l’aventure de la nouvelle version de Doctor Who qui revint sur les écrans britanniques le 26 Mars 2005, le tout étant produit par BBC Pays de Galles et par sa chef : Julie Gardner.
Il faut noter que sur la série, Davies a su d’entourer de personnes de confiance avec qui il avait travaillé précédemment sur diverses productions.
On peut voir Doctor Who comme un melting pot des œuvres précédentes de Davies. Ainsi que ce soit au niveau des acteurs avec Eccleston (dans The Second Coming) puis David Tennant (dans Casanova), de la composition de la musique avec Murray Gold qui travailla avec lui sur pratiquement la totalité de ses œuvres depuis Queer as Folk jusqu’à Casanova ou encore au niveau de la production avec Phil Collinson notamment qui est un de ses amis, Davies a réussie à réunir un ensemble de personnes motivées dans l’optique de travailler sur le revival de la série.
Le retour de la plus longue série de science fiction de l’histoire étant un grand succès deux spin off virent le jour, Torchwood et The Sarah Janes Adventures.
Ces deux œuvres reflètent les deux aspects clés de la carrière de Davies, la première partie de sa carrière centré sur l’écriture à destination des enfants et la seconde incorporant les thèmes qui lui sont les plus chères notamment celle de l’identité sexuelle et de la pensée queer vue sous le prisme de Jack dans Doctor Who et d’une façon plus globale dans Torchwood.
En effet si Davies a d’abord traité la question de l’homosexualité dans ces œuvres, il élargit très vite cette question à la pensée queer en proposant des modèles absolument hors normes. On sens très clairement depuis Queer as Folk que Davies veut casser les modèles et les cases : hétéro/homo, entre autres… Ainsi dans « Bob and Rose« , le héros, gay, vit une grande histoire d’amour, « THE love-story » avec une femme, mais comme il le dit, il est toujours gay… Dans Casanova, c’est Bellino qui porte cette question et interpelle Casanova dans son identité : hétéro, gay ? Casanova tranchera, il aime Bellino, point !
L’apogée de ces réflexions va être incarnée par Jack Harkness qui, faisant fi du sexe des personnes, se concentre sur elles et se laisse, ou non charmer ! Très vite le personnage apparaît comme bien plus que bisexuel – ce qui était déjà une révolution que de proposer un personnage bisexuel comme modèle aussi charismatique – et très vite il est défini comme omnisexuel : hommes, femmes, un-e ou plusieurs, mais également avec des aliens, via le thème des relations inter-espèces posés comme un fait.
Davies pousse très loin le personnage, avec une élégance et un charme irrésistible incarné à la perfection par John Barrowman. Loin de tout stéréotype, chose à laquelle Davies semble attaché, le Captain Jack remporte très vite les suffrages de tous les publics ; enfants, adultes : un véritable tour de force ! Davies traverse véritablement les frontières !
La série Torchwood continuera dans cette veine en bousculant chacun-e dans ses « habitudes » ou choix sexuels : Owen est bisexuel, Toshiko et Gwen auront des relations passionnées avec une personne de leur sexe. Là encore ces passages, loin de toute caricature sont brillamment traités, Davies plonge au cœur de ses personnages et balaie cette logique binaire du « hétéro ou homo »…
Loin des assignations biologique ou sociétales, Davies nous propose des personnages principaux dans un univers où les questions de classe sociale, de rapports inter-raciaux et de classes d’âges sont également très fortement présents ! Ainsi on trouve quasi systématiquement des couples « mixtes » (couleurs, classes sociales) dans ses œuvres : Jack/Estelle, Rose/Mickey, Bellino/Casanova, Donna/Lance, Martha/Tom, Toshiko/Tommy/Adam/Philoctétes….
Autre trait en filigrane dans l’œuvre de RT Davies : l’attachement aux classes populaires (Rose, Mickey, Casanova…) et aux classes moyenne (Donna, Bob (« Bod and Rose« ), Rose (« Bob and Rose« ), Stephen (« The second coming« ), Gwen et Rhys… Les milieux très aisés ne sont jamais dépeints – du moins pas positivement, cf Casanova)- dans les œuvres de Davies qui nous fait rêver, non pas en nous dépeignant des vies « de rêves », mais des vies « ordinaires ».
On peut aussi saluer sa régularité à proposer des personnages atypiques de par leur âge : Sarah Jane déjà, l’actrice a eu 60 ans cette année et nous offre un portrait de femme et de femme « âgée » plus que moderne. Idem Donna Noble, beaucoup plus jeune, mais loin des modèles habituels de « jeunette », et la présence de Bernard Cribbin (Wilf Noble) dans la Saison 4 de Doctor Who laisse trace d’un personnage attachant qui a su trouver toute sa place dans la série. Et que dire du personnage de Harriet Jones brillamment interprétée par Penelope Wilton qui offre une sortir magistrale et impose Miss Jones comme un personnage majeur de « l’ère Davies » ! !
La saison 1 de Torchwood avec le personnage d’Estelle (1.05 « Small World« ) tout d’abord et sa relation avec Jack est aussi extrêmement novateur dans le paysage audiovisuel ! La vieillesse, sujet dérangeant est le plus souvent occulté des écrans, RTD nous en montre des modèles résolument modernes et attachants et a su écrire de vrais rôles de personnages véhiculant des images et valeurs « positives » !
Idem avec Donna, héroïne quadragénaire qui remporte une totale adhésion du public et s’impose dans le coeur des téléspectateurs et téléspectatrices, contre toute attente et gagne pour beaucoup le titre de « meilleure compagne ». Certes, l’immense talent de Catherine Tate n’y est pas étranger, mais encore fallait-il « oser » ! Et pour RT Davies, c’était une réelle volonté, marquée déjà dans l’épisode de Noel de 2006 « The Runaway Bride« . RT Davies et la production attendront ensuite 2007 que Catherine Tate soit disponible pour tourner une saison avec elle : ce sera la saison 4 et la dernière de « l’ère Davies »
Autre thème récurrent dans ses oeuvres, et ce quelque soit leur public : la famille, monoparentale, divorcée, classique ou non, les liens familiaux sont centraux chez ses personnages : Stephen et son père (The Second coming), Bob et ses parents et Rose de son côté (Bob and Rose) , Casanova avec son fils, Sarah Jane et Luke, Rose Tyler et ses parents puis Martha, et Donna, même le Doctor sera confronté à cette question (S3 et S4) … Tous les personnages s’inscrivent dans une histoire familiale ou les liens y sont importants, conflictuels ou pas et sont au cœur de l’histoire !
Mais les famille « d’adoption » ont aussi leur place : celle de Torchwood pour Jack, celle de la communauté gay pour Bob, celle de sa bande d’amis pour Stephen…
Trait que l’on retrouve chez RT Davies qui comme nous l’avons dit plus haut travaille « en famille » lui aussi ! Et les Doctor Who Confidential ont bien montrés l’étendu des liens du trio RT Davies/P. Collinson/J. Gardner.
D’ailleurs, les trois quitteront l’aventure Doctor Who en même temps…
Là encore, loin d’un modèle conservateur, RT Davies nous propose des modèles de familles pas toujours « traditionnelles » et jamais modèles mais où l’amour, et les liens y ont du sens, et de l’importance.
RT Davies nous propose ainsi une « juste » vision de la société. Le monde a changé depuis les années 70 : la libération sexuelle, la remise en cause des valeurs traditionnelles dont celles du modèle familiale, l’espérance du vie qui s’allonge, la world culture et les sociétés « melting pot » de par le mixage des populations, la démocratisation des accès à la culture, au voyage etc… Et il s’attache à mettre en scène des personnes ordinaires qui deviennent des figures « héroïques » : Stephen Baxter Rose Tyler, Martha Jones, Donna Noble, Gwen Cooper : « save the world »…Ou des personnages qui sont soumises à des changements et remises en question radicales comme dans « Bob and Rose« . Hormis le Docteur, héros involontaire par ailleurs, aucun des personnages n’est un héros ou une figure forte dès le départ.
Il est de ce point de vue un écrivain de l’évolution et du changement.
Autre thème de l’oeuvre de RT Davies et que l’on retrouve dans Doctor Who : les amours contrariés voir impossible ! Il n’y a quasiment pas de couples chez RT Davies : ils sont, soient séparés par « un implacable destin » (Rose et le Doctor, Donna et ses deux amours, Casanova, Stephen Baxter, Toshiko, Owen, Ianto etc…), soit par la vie (divorce) et très souvent la mort : Mickey et Rose, les parents de Martha, les parents de Rose, de Donna, eux de Clyde, les parents de Stephen Baxter, ceux de Casanova… Seuls Bob et Rose de la série éponyme, Jackie et Pete du monde parallèle et les parents de Rani et Gwen et Rhys parviennent à former des couples à l’écran où ils font figure d’exception.
Ce thème du couple a été le plus développé dans Bob and Rose où outre le couple des héros, nous suivons les déboires, troubles et autres réconciliations de ceux formés par les parents de Bob d’un côté et le remariage de la mère de Rose de l’autre…
Bref, difficile d’être heureux à deux chez RT Davies !
Devenu un personnage incontournable de la fiction britannique Davies, couvert de récompense avec cette suite de Doctor Who, sera encore en 2008 et 2009 sur le front en étant à la tête des 5 téléfilms Doctor Who, de la seconde puis de la troisième saison de Sarah Jane et de la 3ème saison de Torchwood.
En Mai 2008, le départ de RT Davies est annoncé par le service de presse de la BBC, ce départ en filigrane depuis ceux, annoncés, de Phil Colinson et Julie Gardner augure d’une nouvelle ère pour le whoniverse, désormais dirigé par Steven Moffat.
RT Davies a probablement choisi le bon moment pour se retirer : la saison 4 étant résolument celle de la conclusion d’une part majeure des intrigues développées depuis la saison 1.
De plus, on peut penser qu’en terme de créativité des intrigues la série avait atteint sa limite, l’apport d’un nouveau scénariste en chef est prometteur et permettra de régénérer les scenarii.
Concernant le futur de RT Davies, nous pouvons noter la parution en Septembre en Grande Bretagne de « The Writer’s Tale »
Ce livre relate la correspondance entre Davies et le journaliste britannique Benjamin Cook, s’étalant sur une durée de un an (entre Février 2007 et Mars 2008), il révèle une face caché de la série.
En effet, nous en apprenons plus sur la production de la série et sur la façon qu’a RT Davies de gérer le Whoniverse notamment au niveau de l’écriture des trois séries et plus particulièrement celle de la saison 4 de Doctor Who.
A côté de ce volet scénaristique sont aussi développées toutes les contraintes de production, et comment, dans le trio Davies/Gardner/Collison, sont répartis les rôles.
Après avoir officié une nouvelle fois sur la saison 3 de The Sarah Jane Adventures fin 2009, l’avenir dans le whoniverse de Davies reste en pointillé, tout comme le devenir des deux séries dérivés.
Il est possible, et ce n’est ici qu’un avis, que Davies retourne vers des séries plus proches de ses premières créations, d’ailleurs une annonce datant de 2007 parlait déjà de cela (lire ICI) et voir ses futurs projets s’inscrire dans des thèmes déjà explorées notamment dans « Queer As Folk » ou « Torchwood » ne serait guère étonnant.
Et la semaine même des 45 ans de Doctor Who, l’homme qui a ressuscité la série a été récompensé d’un OBE (titre d' »Officer of the British Empire ») le vendredi 28 Novembre 2008. Délivré des mains du Prince de Galles, la distinction le récompense pour ses contributions aux oeuvres de télévision. Une reconnaissance majeure pour Davies qui s’est dit « honoré et fier de voir son travail d’écriture pour la télévision reconnu ».
En attendant, savourons les derniers épisodes écrits de la main du maître qui, n’en doutons pas, sauront répondre à l’énorme attente provoquée à la fois par le départ de Davies et celui de David Tennant.
Ecrit par Corinne Auffret-Nguyên et Frédéric Robert
Habillage graphique : Nanou
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